Qu’est-ce qui a conduit à la création de ce nouveau service?
La Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), dont dépend le BCIJ, a déjoué de nombreux actes malveillants. En 2011, devant la montée de la menace, le législateur est allé plus loin en élargissant ses pouvoirs au champ judiciaire. L’ultime étape a été la création du Bureau central d’investigation judiciaire (BCIJ), qui peut se saisir de toutes les affaires touchant à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat.
Quel est le rôle exact du BCIJ?
Le BCIJ se charge de l’arrestation des personnes suspectes, de leur interrogatoire et de leur renvoi devant la justice. Nous ciblons les activités terroristes mais aussi tout ce qui concerne la criminalité organisée. Le travail du BCIJ est supervisé par le Parquet général.
Qui sont ces superflics?
Le BCIJ dispose de groupes d’intervention rapide sur tout le territoire. Ces unités ont été entraînées et formées pour faire face à tous les scénarios. Je suis aussi entouré d’officiers de police judiciaire qui ont une solide formation juridique. Les enquêtes sont conduites en respectant la loi et le code de procédure.
Certains détenus se sont plaints d’avoir été torturés…
Je suis dans la police judiciaire depuis 30 ans. Les aveux ne servent à rien si l’on n’a pas de preuves scientifiques. Les forces de sécurité sont toujours accusées de mauvais traitements par les gens qui risquent de très lourdes peines. Pour nous préserver de telles accusations, nous soumettons les personnes qui sont arrêtées à un examen médical avant leur interrogatoire. Elles se voient dicter leurs droits, dont celui d’avoir accès à un avocat.
Quel est le profil des terroristes arrêtés?
Les gens qui se font endoctriner ont souvent un niveau scolaire qui ne dépasse pas l’école primaire. Ce sont des gens facilement influençables, qui sont issus aussi bien des villes que des campagnes. Depuis la création du BCIJ,
nous avons démantelé 17 cellules et arrêté 147 personnes.
Observez-vous un regain d’activité depuis les frappes de la coalition contre les positions de Daech?
D’abord, il faut bien comprendre que le phénomène du terrorisme religieux ne va pas s’arrêter du jour au lendemain. Ces dernières années, Daech s’est surtout employé à mettre en place des filières de recrutement pour grossir les rangs de ses combattants en Irak et en Syrie. Depuis le début des frappes, le mouvement s’est inversé. Daech incite ses recrues à rentrer et à mener le djihad dans leurs pays d’origine.
Qu’est-ce qui explique votre efficacité?
Nous arrêtons les personnes avant qu’elles ne passent à l’acte. C’est une politique mise en place au lendemain des attentats du 16 mai 2003, qui firent 45 morts à Casablanca. A chaque fois qu’on essaie de toucher à l’intégrité du Maroc, non seulement les services de sécurité s’en mêlent, mais également tous les Marocains. Nos citoyens sont attachés au vivre-ensemble. Toutes ces fatwas qui viennent de l’Orient n’ont rien à voir avec nos traditions. Ici, nous vivons un islam modéré où cohabitent en symbiose musulmans, juifs et chrétiens sous la protection du commandeur des croyants, le roi Mohamed VI. Le Maroc n’a jamais connu un choc des civilisations et il ne le connaîtra jamais.
Comment se passe la coopération avec les autres pays?
Grâce à nos renseignements, l’Espagne, l’Italie, la France, la Belgique ou encore les Pays-Bas ont pu déjouer des projets d’attentats. La coopération fonctionne très bien. Mais nous aimerions qu’il en soit de même avec les pays arabes voisins, y compris avec l’Algérie, où les djihadistes sont toujours très actifs au sud du pays. Il y a aussi le Sahara. Je ne sais pas pourquoi les Algériens s’obstinent à soutenir et instrumentaliser la RASD (Front Polisario), qui est impliquée dans le terrorisme, la drogue et les prises d’otages d’Occidentaux. (TDG)